République Algérienne Démocratique et Populaire

Ambassade d'Algérie en France

L’Ambassadeur d’Algérie à L’Expression «Osons changer le cours de l’Histoire!»

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Ne dit-on pas que le destin est un grand metteur en scène? La carrière du nouvel ambassadeur d’Algérie à Paris en est un exemple.

Journaliste professionnel, il a vécu les années Boumedienne dans la frénésie des salles de rédaction. Il fut le présentateur vedette du journal en français de la Télévision nationale. Son visage crevait l’écran pour devenir un personnage incontournable qui s’invitait chaque soir dans tous les foyers algériens. Beaucoup disaient déjà de lui à cette époque qu’il était un personnage captivant. Mais entre-temps, il avait fini par assimiler la célèbre formule qui prédisait que «le journalisme menait à tout à condition d’en sortir». «Le roman de sa vie» va le tranporter dans un autre monde : celui de la diplomatie. Le défunt Mohamed Seddik Benyahia, ministre des Affaires étrangères, aura été à l’origine de ce que André Malraux appelait un «anti-destin». Benyahia, décelait en lui toutes les qualités d’un futur grand diplomate.
L’offre de recrutement pour Antar Daoud est alléchante. Il est nommé sous-directeur des relations avec les médias en janvier 1980. Poste qu’il occupera ensuite avec Ahmed Taleb Ibrahimi jusqu’au 1984. Affecté successivement en qualité de conseiller à Washington et Nouakchott, puis ministre-conseiller à Rabat, il finit par regagner la centrale pour occuper en 1993 aux côtés du ministre Mohamed Salah Dembri, le poste de directeur-général du protocole. En 1996, il sera l’interlocuteur privilégié du corps diplomatique accrédité à Alger. Puis, il est désigné consul général à Lille jusqu’en 2001 suivi du poste d’ambassadeur au Mali. Il est nommé ambassadeur conseiller en 2011 après avoir rejoint la centrale. En 2015, il rejoint son nouveau poste d’ambassadeur d’Algérie au Gabon, concomitamment avec la Guinée Equatoriale et la CEEAC.
Depuis octobre 2020, il représente l’Algérie à Paris qu’il a connu dans les années 70 en qualité d’étudiant au niveau de l’Université Paris II Assas et Paris II Panthéon où il décrocha un DEA de troisième cycle en sciences de l’information. Ce diplomate aura, en fin de compte, retenu la leçon de son mentor Mohamed Seddik Benyahia qui lui disait alors qu’il était jeune sous-directeur : «Un ambassadeur doit toujours marquer son passage à un poste et non être marqué par le poste.»

L’Expression: Excellence, vous occupez le poste d’ambassadeur d’Algérie à Paris depuis quelques mois. En plus des liens historiques, la France étant notre premier partenaire et qui accueille la plus grande communauté algérienne installée à l’étranger. À votre avis, qu’est-ce qui doit changer dans les relations entre nos deux pays?

Mohamed-Antar Daoud: Donnons nous une deuxième chance. Le Temps à venir est notre meilleur allié.
Le couple Algérie-France a bien le droit, après 59 ans, d’en finir avec les malentendus et de baliser la voie à un avenir serein dans l’intérêt de nos deux peuples.
Nous n’avons pas le droit de tourner le dos aux interpellations de l’heure. Moi, je dis «assumons-nous». Et cela, quels que soient les obstacles qui peuvent s’ériger sur cette voie.
Rendons à l’Histoire ce qui appartient à l’Histoire, donnons à notre avenir commun ce qu’il est en légitime droit d’attendre de nous.
Dans les relations entre États, à un moment ou à un autre de la phase de leur développement, peuvent survenir des malentendus, parfois, d’appréciation, mais qui peuvent être comparés à des scories, lorsqu’on les prend à bras-le-corps.
Le président Tebboune en a clairement dressé le constat, lorsqu’il a déclaré qu’il fallait désormais donner la priorité aux attentes des peuples algérien et français sans rien renier de notre passé commun.
L’Algérie et la France possèdent chacune de formidables atouts à faire valoir dans tous les domaines. Que ce soit en matière d’échanges économiques, de coopération et de partenariat, mais aussi et surtout d’entraide pour le maintien de la paix et de la stabilité dans la région. Ouvrons donc ensemble cette fenêtre pour une meilleure vision de l’avenir en tenant compte chacun bien entendu de nos intérêts stratégiques. Entre l’Algérie et la France, de nouvelles opportunités s’offrent. À mon avis, la sagesse recommande de les saisir toutes parce que les enjeux sont importants. Si certains voient un constat d’échec dans nos relations, il faut savoir le dépasser. Il faut également bannir à jamais ces vieux préjugés si l’on veut éviter que les choses ne s’enkystent.
Le président Tebboune oeuvre pour que l’Algérie soit un partenaire fiable dans tous les domaines. Il a su mettre dans la balance tous les apports nécessaires pour hisser nos relations au diapason requis avec un pays phare de l’Union européenne.
Nos élites sont bien présentes et s’assument en totale phase avec les réalités de l’heure en France et Dieu sait combien leur rôle peut être déterminant pour donner un nouveau souffle à notre avenir commun. Nous, nous y croyons.
C’est dire combien les rapports entre États ont besoin parfois d’être assainis pour asseoir une meilleure confiance des deux côtés de la Méditerranée. Car la confiance, dans un tel contexte, se mérite. Elle a une part entière dans le succès de tout ce que nous serons appelés à entreprendre en commun.

Une visite d’Etat du président Tebboune en France ou de son homologue Emmanuel Macron en Algérie est-elle envisageable pour les mois à venir?

Tout est envisageable, mais comme vous le savez, la pandémie mondiale a constitué un frein au développement des relations internationales. Aujourd’hui toutes les rencontres se déroulent par visioconférence,, ce qui veut dire qu’hormis le côté officiel protocolaire, la pandémie a empêché tout travail en coulisses tout contact direct limitant le calendrier à des dates qui ont pu être respectées. La session de l’Assemblée générale de l’ONU de 2020 s‘est déroulée uniquement par la voie des moyens technologiques, de même que le dernier sommet de l’Union africaine, alors qu’il existe d’importants problèmes auxquels il faudra trouver des solutions.

Une forte délégation française conduite par le Premier ministre Jean Castex est attendue le 11 avril prochain à Alger dans le cadre de la 5ème session du Comité interministériel de haut niveau (Cihn). Comment appréhendez-vous cet important rendez-vous?

Malgré la pandémie, ce rendez-vous, reporté à deux reprises, se tiendra comme prévu. Cela permettra la signature de quelques accords algéro-français, ainsi que des contactes susceptibles de sortir certains dossiers de l’impasse. C’est dire que la volonté politique affichée de part et d’autre confirme ce qu’attend le partenaire française de l’Algérie et le partenaire algérien de la France. Une opportunité à ne pas rater en vue d’insuffler une dynamique nouvelle aux relations algero-françaises sur tous les plans

Existe-t-il une réelle volonté politique, tant en France qu’en Algérie, de transcender leurs rapports et d’ouvrir une nouvelle page de leur histoire?

J’ai évoqué précédemment l’excellence des relations entre les présidents Tebboune et Macron. Je pense honnêtement que l’Algérie et la France sont appelées à connaître des lendemains meilleurs grâce à la volonté politique affichée par les deux chefs d’Etat. Cependant, il y a en dessous des lobbies qui freinent cette coopération et ne souhaitent pas voir une entente cordiale entre l’Algérie et la France. Ce sont des lobbies organisés, financés par certains milieux que nous connaissons fort bien. Ils n’ont pas intérêt dans un rapprochement entre Alger et Paris. Ils connaissent parfaitement le poids de l’Algérie et de sa diaspora en France, qui englobe la quasi-totalité des secteurs d’activités. On a beau avoir la même religion, appartenir à la mème région mais pas forcément les mêmes intérêts.

Les gestes de rapprochement se sont multipliés entre l’Algérie et la France depuis l’élection de Abdelmadjid Tebboune le 12 décembre 2019. La volonté politique affichée par les deux présidents, MM.Tebboune et Macron, est une opportunité inespérée pour évoluer sur un terrain constructif et de manière apaisée. Excellence, est-ce que la page du malentendu est en train de se tourner entre l’Algérie et la France ?

Le président de la République a nommé Abdelmadjid Chikhi pour les questions mémorielles du côté algérien. Cela étant, les relations entre nos deux pays ont connu une nouvelle dynamique grâce à la volonté affichée par les deux présidents. Concernant ces questions mémorielles, elles visent la restitution des restes mortuaires, les archives, l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires, les anciens sites d’essais nucléaires français au Sahara et la question des disparus.
Ces dossiers ont connu des développements au cours de l’année 2020, à la faveur de la demande officielle formulée par l’Algérie, concernant le rapatriement des restes mortuaires et la restitution des archives. Il a été donc décidé que tous ces dossiers doivent faire l’objet d’une attention particulière en 2021, principalement par la relance des groupes de travail mis sur pied à cet effet. Les dernières évolutions dans le dossier mémoriel, cette année, concernent la reconnaissance par le président Macron, le 2 mars 2021 de la responsabilité de son pays dans l’assassinat en 1957 de l’avocat et militant algérien, Ali Boumendjel, et sa décision, le 9 mars 2021, de faciliter l’accès aux archives classifiées, de plus de 50 ans, notamment celles concernant la guerre d’Algérie. Dans un autre registre, il s’agit de souligner que le président Macron a chargé en novembre 2020, un Conseil scientifique dirigé par l’historien Pascal Blanchard d’identifier 300 à 500 personnalités issues des territoires d’outre-mer, d’anciennes colonies ou de l’émigration, afin de les honorer en attribuant leurs noms à des rues et institutions publiques en France. À ce titre, le Conseil a présenté une liste de 318 noms dans laquelle sont citées des personnalités politiques algériennes, à l’image de l’émir Abdelkader, Abdelkader Hadj Ali, Messali El Hadj et Frantz Fanon, d’artistes intellectuels et sportifs parmi lesquels les islamologues Mohamed Arkoune et Malek Chebel, d’écrivains à l’instar de Mouloud Feraoun, Mohamed Dib et Assia Djebar, de chanteurs tels que Warda, Idir, Dahmane El Harrachi et Slimane Azem ou encore des footballeurs comme Mustapha Zitouni.
En ce qui concerne les restes mortuaires, ce n’est pas encore terminé. Il reste également à récupérer le canon de Baba Merzouk et le burnous de l’émir Abdelkader.

Sur un plan national, vous-avez entrepris récemment une opération de récupération des biens algériens en France. Pouvez-vous nous donner une estimation sur la valeur globale des biens que possède l’Algérie en France?

D’abord, je dois préciser le fait suivant: j’ai remis, il y a quelques jours au président de la République un dossier sur la situation de tous les biens immobiliers de l’Algérie en France. L’ambassade a lancé une opération qui a permis de récupérer des châteaux, des bâtisses et autres grands domaines. L’important patrimoine qui totalise 46 propriétés doit faire l’objet d’une prise en charge efficiente. Plusieurs options méritent d’être examinées. Certains biens doivent être vendus. J’entends par là, ceux non utilisés, non rentables, en état de délabrement très avancé ou menaçant ruine.
La deuxième option consiste en la réhabilitation, le réaménagement et la rénovation de certaines constructions, en vue d’un investissement par location, la réaffectation pour utilité ou intérêt national. L’autre possibilité est la mise à disposition de certains biens au profit d’associations activant en direction de notre pays par la communauté nationale établie en France. Pour répondre directement à votre question, je ne peux pas m’avancer sur un chiffre précis, mais je peux vous donner l’estimation de la valeur d’un des biens. C’est le plus important. C’est le domaine des Julhans, dans la région des Bouches du Rhône.
Actuellement sa valeur oscille entre 8 et 10 millions d’euros. Globalement, ces biens coûtent plusieurs dizaines de millions d’euros. Dans le lot, il y a des biens totalement désaffectés, d’autres menacent ruine. Mais, beaucoup conservent une valeur foncière et immobilière incontestable. À ce propos, je peux vous citer les exemples de deux appartements que je viens de récupérer au Boulevard de Strasbourg.
Ils appartenaient à l’Amicale des Algériens en Europe. Dans leur état actuel, ils valent chacun entre 1 et 1,7 million d’euros. Il est possible de les vendre, comme ils peuvent être réhabilités pour être loués, jusqu’à 2 000 euros l’appartement. L’Algérie peut donc les garder pour garantir une rente appréciable. Par ailleurs, dans un souci de rentabilité, j’ai fait la proposition suivante: déménager les représentations d’Air Algérie et de l’Entmv en France des locaux qu’elles louent actuellement, pour les installer ensemble dans les anciens locaux du consulat général d’Algérie, rue d’Argentine, à Paris. Dans le même bâtiment, j’installerai un bureau consulaire pour le rapatriement des dépouilles mortelles, une représentation d’un assureur public pour l’assurance obsèques. L’objectif de la démarche est de constituer un guichet unique au profit des Algériens établis en France. Et au passage, Air Algérie y gagnera énormément, puisque le siège à l’avenue de l’Opéra lui revient à 25 000 euros par mois de loyer.
Quant au siège de l’Entmv qui est la propriété de l’Office national du tourisme, je compte le récupérer pour en faire le siège d’une agence bancaire algérienne en France. Sur les biens récupérés, le président de la République m’a instruit d’affecter deux bâtisses à la Grande mosquée de Paris.
Le premier servira de siège à l’institut El Ghazali pour la formation des imams et le second abritera une association caritative. La gestion de tous ces biens sera confiée à plusieurs agences qui s’en occuperont.
L’objectif final est de créer un fonds spécial des biens de l’Etat algérien en France, ce qui générera une rentrée financière pour le pays.
Les instructions présidentielles concernant la récupération des biens de l’Etat valent pour tous les pays du monde.
Au Maroc, en Tunisie, en Syrie, en Egypte ou en Espagne où un opérateur algérien a acquis un hôtel en usant de faux transferts financiers. Concernant le Maroc, je peux vous dire qu’un travail a déjà été accompli concernant les biens de l’Etat et ceux de privés algériens nationalisés par le royaume.

Ne trouvez-vous pas que la communauté algérienne établie en France ne contribue pas suffisamment à l’effort du développement du pays, comparativement aux communautés marocaine et tunisienne. À quoi est dû, selon-vous, cet état de fait?

Je pense que la décision prise en faveur de l’ouverture d’agences bancaires en France donnera de la visibilité et les transferts d’argent vers le pays iront en s’améliorant. Mais cela ne réglera pas totalement la situation. Il ne faut pas se voiler la face. Le système bancaire algérien doit évoluer. Les investisseurs rencontrent beaucoup de problèmes. Mais en tout état de cause, l’installation d’une banque algérienne en France est déjà un début de solution. Mais encore faut-il créer les conditions d’un transfert bénéfique pour les émigrés. Cela étant dit, la diaspora algérienne en France est un partenaire à part entière de son pays. Au tout début de la pandémie, les Algériens de France ont montré une grande solidarité à l’endroit de leur pays. Une seule association, Solidcov, a envoyé 87 lits médicalisés, une centaine de concentrateurs d’oxygène et des tonnes de médicaments. L’ambassade est intervenue pour réduire le coût du transport. Au-delà de ce fort sentiment d’appartenance à la mère patrie. Notre diaspora compte plus de 15.000 médecins, des artistes, des intellectuels et des élus locaux. À ce propos, je travaille à fédérer les différents groupes socioprofessionnels en réseaux.

Quel pourrait être le rôle de la représentation diplomatique algérienne pour sortir le couple algéro-français de la tension permanente dans ses relations?

S’il y a un constat à faire dans les rapports algéro-français, c’est bien l’excellence des relations entre le président Tebboune et son homologue Macron. Ils s’appellent souvent. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est venu à trois reprises en Algérie. Il y a un contact permanent. Je travaille pour qu’à un niveau plus bas, les relations soient bien huilées, tant en matière de relations économiques et commerciales, d’enseignement supérieur, d’industrie et d’Education nationale. Cela pour ne citer que les aspects directs de ma mission.
Pour le reste, nous pensons que l’Algérie, pays incontournable sur le plan africain, est un partenaire privilégié de la France. Nous comptons sur son savoir-faire. J’ai toujours dit que l’Algérie et la France ne sont pas divisées, mais unies par la Méditerranée.

Mais Excellence, le différend sur les questions mémorielles concerne beaucoup plus la position algérienne qui, elle s’attendait à des excuses officielles de la France pour les crimes commis durant les 132 années de colonisation.

Le président français a nommé l’historien Benjamain Stora, lui confiant outre la mission pour la rédaction d’un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie dont les conclusions et des recommandations ont été rendues dans un rapport publié le 20 janvier 2021. A ce titre, un communiqué de l’Elysée a fait part de l’intention du président Macron de procéder dans les prochains mois à des actes symboliques.
Le président français a ainsi reconnu le 2 mars 2021, la responsabilité de son pays dans l’assassinat de Ali Boumendjel. Cette reconnaissance figurera parmi les gestes d’apaisement préconisés dans le rapport Stora, elle a été faite au nom de la France devant des membres de la famille Boumendjel reçus à l’Elysée et auxquels monsieur Macron a déclaré que Ali Boumendjel ne s’est pas suicidé, mais il a été torturé puis assassiné.
L’Algérie a pris acte avec satisfaction de cette initiative louable qui intervient dans le cadre des bonnes intentions et d’une véritable volonté d’intensifier le dialogue entre l’Algérie et la France concernant la période coloniale.
Le président Tebboune a maintes fois affirmé le caractère sensible du dossier de la mémoire dont le traitement exige un dialogue sans préjugés permettant d’explorer les meilleures voies pour relancer la coopération algero-française dans le cadre des intérêts communs. J’ai remis le 8 février 2021, au nom du président de la République, l’emblème national aux membres de la famille de Ali Boummedjel lors d’une cérémonie d’hommage et de recueillement organisée au siège de l’ambassade et à laquelle ont pris part, notamment les moudjahidine de la Fédération de France.
A cette occasion j’ai souligné que l’exigence de vérité a été clairement revendiquée par le président Tebboune qui, de façon constante a insisté en totale communion avec le peuple algérien sur le fait que la qualité et la pérennité des relations algero-françaises ne saurait s’accomplir pleinement sans prise en compte de l’Histoire et de la question mémorielle à propos de laquelle nulle renonciation ne saurait être envisagée.
Le rapport Stora a suscité plusieurs réactions et le président Tebboune a souligné que le peuple algérien ne renoncera jamais à sa mémoire tout en appelant à ne pas faire de cette question un fonds de commerce.

La décision du président Emmanuel Macron d’ouvrir l’accès aux archives n’est-elle pas une sorte de boîte de Pandore?

Je dois vous dire d’abord qu’il y a encore des résistances du côté français même si le président Macron a décidé l’accès aux archives datant de plus de 50 ans. Maintenant, il y a l’Histoire et des faits et des faits indélébiles. Il ne faut pas oublier que les nostalgiques de l’Algérie française considèrent les membres du réseau Jeanson comme des traîtres alors que Jeanson leur disait: «Voilà la grandeur de la France!
Comme disait le président Kennedy, «le fort peut être juste dans l’utilisation de la force, mais il se doit d’être juste dans la défense de la justice». Chacun a un point de vue qui lui est personnel, mais il y a des faits avérés auxquels il faut s’en tenir.

Devant le CPS de l’UA, le président Abdelmadjid Tebboune a été clair, ferme et intransigeant sur le Sahara occidental, dénonçant une «escalade dangereuse» et appelant à «en finir avec le dernier foyer colonial» en Afrique. La France a une position étrange, alors qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité. Avec le prochain jugement de la CJUE, en juin, verra-t-on le respect des principes du droit européen et international?

En ce qui concerne le Sahara occidental, je veux rappeler trois constantes de notre doctrine diplomatique:
– Le droit inaliénable des peuples à leur autodétermination.
– Le rejet de toute ingérence dans les affaires intérieures.
– Le respect des frontières héritées au lendemain de l’indépendance.
Aussi, la position de l’Algérie est limpide et immuable. Notre pays n’est pas intéressé mais concerné par cette question. Territoire distinct du Maroc, le Sahara occidental est en attente d’un référendum d’autodétermination, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. Une réalité soulignée par des jugements de la Cour internationale de La Haye ainsi que la Cour de justice européenne. Le roi Hassan II l’avait accepté comme une condition incontournable du processus de règlement du conflit.
Aujourd’hui, le royaume marocain exploite une conjoncture internationale. Mais les subterfuges sont vains. Ce n’est pas l’ouverture de certains consulats de pays africains alignés sur Rabat et financés par le Maroc, qui vont faire illusion.
Les pays qui ont souscrit à cette duperie savent qu’ils sont à contre-courant des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et des principes de l’Union africaine dont la RASD est membre fondateur. En 1975, Madrid, Rabat et Nouakchott ont scellé un accord illégal. L’Algérie avait déployé, aussitôt, des trésors de diplomatie pour convaincre la Mauritanie de cette illégalité. Le Maroc a, alors, profité du retrait mauritanien pour élargir sa mainmise sur un territoire qui ne relève nullement de sa prétendue souveraineté.
D’autant qu’ il fait partie, selon l’ONU, des 17 territoires en attente de décolonisation. Je dis, souvent, que la France aurait un grand rendez-vous avec l’Histoire, en démontrant son attachement aux vertus cardinales de la Déclaration des droits de l’homme, avec la reconnaissance du droit du peuple sahraoui. Quant au gel de l’UMA, n’est-ce pas le roi Hassan II qui l’a prononcé, au détriment des intérêts de son propre peuple? Ce qui s’est passé, récemment, à El Guerguerat, est révélateur des dérives marocaines. L’unique solution est que le Maroc et le Polisario se retrouvent autour de la table de négociation, pour le plus grand bien du Maghreb.

Au Sahel, la France est engluée, depuis huit ans, avec la force Barkhane qui a succédé aux forces Serval et Epervier, tandis que le terrorisme prend de l’ampleur. Maghreb et Sahel sont des foyers de tensions, depuis des décennies. La construction de l’UMA qui aurait pu être un partenaire majeur de l’Union européenne doit-elle en subir, indéfiniment, les conséquences?

Nous avons une coopération soutenue en matière de lutte antiterroriste, compte tenu de l’expérience acquise et reconnue par l’ensemble des partenaires. Notre politique est tributaire de deux dogmes fondamentaux. D’abord, ne jamais négocier avec les preneurs d’otages. Ensuite, ne jamais payer de rançon. C’est pourquoi l’Algérie n’a pas caché son mécontentement, au lendemain de la libération de Mme Sophie Petronin, au Mali, moyennant le paiement de 3 millions d’euros et la libération de plus de 200 terroristes. L’ANP en a récupéré une partie du butin. Notre combat contre le terrorisme obéit à des règles claires. La position des uns et des autres doit être limpide. Notre pays a payé le prix fort sur ce plan et c’est pourquoi il est exigeant. Une année nous sépare du 60ème anniversaire de l’indépendance nationale. Il existe, et c’est un fait, une volonté affichée des présidents Tebboune et Macron de tout entreprendre pour faire de la Méditerranée un lac de paix et de coopération. Aussi, faut-il aller de l’avant. Contrairement à d’autres, l’Algérie a arraché son indépendance par les armes et au prix d’immenses sacrifices. Nous avons un grand nombre de liens, dont notre imposante diaspora et un savoir-faire qu’il faut savoir mettre en valeur. Je pense, honnêtement, que l’Algérie et la France sont appelées à construire un avenir meilleur, grâce à la volonté des deux chefs d’Etat qui agissent de concert pour une réelle politique de transcendance et l‘écriture d’une page nouvelle de nos relations.

S’agissant de la Libye, la France a, en principe, une position similaire, même si elle a soutenu, quelque temps, l’offensive de Haftar contre Tripoli. Suite à la feuille de route adoptée par la Conférence de Berlin, sous l’égide de l’ONU, la démarche conjuguée pour un retour de la paix et de la sécurité dans le pays voisin sera-t-elle pérenne?

La France déclare oeuvrer au retour de la paix et de la sécurité dans le pays voisin, conformément à la feuille de route tracée par l’ONU. Notre pays a toujours agi dans ce cadre et son action en faveur du processus politique reste constante. Parce qu’elle a, sans cesse, défendu «une solution en Libye par les Libyens et par eux seuls», l’Algérie a beaucoup contribué aux avancées qu’on observe. Le processus a besoin d’être appuyé et, pour cela, nous avons beaucoup insisté sur la non-ingérence des pays étrangers ainsi que sur le départ des mercenaires.
Sur toutes ces questions, il y a une parfaite identité de vue.
L’Algérie, plus que d’autres, a des liens profonds et anciens avec la Libye. Du fait de cet atout, notre diplomatie a pesé, depuis 2011, en faveur de la solution politique, aujourd’hui consacrée et saluée par tout un chacun.

Source :Le Quotidien l’EXPRESSION

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