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MASSACRES DU 8 MAI 1945 : VISITE EN ALGERIE DE M. JEAN MARC TODESCHINI

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Dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, le Secrétaire d’Etat auprès du ministre français de la Défense chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire, M. Jean Marc Todeschini a effectué le 19 avril 2015, une visite dans la wilaya de Sétif, accompagné du Ministre des Moudjahidine M. Tayeb Zitouni. Il s’est recueilli, à cette occasion, devant la stèle érigée au centre-ville à la mémoire de Bouzid Saâl, premier martyr des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata

M. Todeschini  a également été reçu à Alger, le 20 avril 2015, par le Premier Ministre M. Abdelmalek Sellal, affirmant à l’issue de cette audience que sa visite en Algérie était « un déplacement nécessaire qui veut avoir la paix des mémoires communes apaisées ».

A noter qu’à la veille de son arrivée en Algérie, le Secrétaire d’Etat français chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire a accordé un entretien à l’Agence Algérie Presse (APS), dont voici le contenu intégral :

Question – Votre « voyage mémoriel » en Algérie, entre deux dates symboliques dans l’histoire des deux pays, le 19 mars et le 8 mai, intervient au moment d’un rapprochement sans précédent des relations bilatérales, dans tous les domaines. Mais la question mémorielle est toujours prudemment appréhendée. Considérez-vous que votre venue à Alger constitue un témoignage fort qui permet de franchir un nouveau pas dans ce que le Président Hollande a appelé « le devoir de dire la vérité » ?

Réponse– Pour la première fois, une autorité ministérielle française se rend à Sétif pour déposer une gerbe au mausolée de Saal Bouzid, première victime algérienne des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. C’est un geste fort et très concret, à la veille du soixante-dixième anniversaire du 8 mai 1945, dans le prolongement de la visite d’Etat du président de la République en décembre 2012 au cours de laquelle il avait reconnu les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien.

Ma visite s’inscrit ainsi dans une démarche d’amitié, de respect et dans le souci de continuer à appréhender notre mémoire commune de manière apaisée et lucide, en vue de mieux nous tourner ensemble vers l’avenir. Je tiens à cet égard à remercier chaleureusement les autorités algériennes pour leur accueil et pour le soutien qu’elles ont apporté à notre démarche.

Celle-ci n’était pas si facile à faire, pour chacun de nos deux gouvernements : dimanche, je serai avec M. Tayeb Zitouni, ministre des moudjahidine, devant la stèle de Saal Bouzid. Cela sera à ma connaissance la première fois que nous – ou nos prédécesseurs – ferons un geste mémoriel ensemble. Ce n’est pas rien ! Je veux y voir un pas supplémentaire dans la collaboration entre nos deux ministères.

Question– Nous sommes à quelques semaines de la commémoration de l’anniversaire des massacres du 8 mai 45 qualifiés à la ville symbole de Sétif par un ambassadeur français le 27 février 2005 de « tragédie inexcusable ». « L’inexcusable » et le « devoir de vérité » seront-ils suivis d’une reconnaissance officielle des massacres commis par le colonialisme ?

Réponse-  Cette reconnaissance officielle a eu lieu, dans des termes très solennels, lors du discours prononcé par le président de la République François Hollande devant le Parlement algérien le 20 décembre 2012. Il a affirmé en cette journée historique que les « massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata » – je le cite – « demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles ».

Et le Président de la République a ajouté : « Cette vérité, nous la devons à tous ceux qui par leur histoire, par leur histoire douloureuse, blessés, veulent ouvrir une nouvelle page. Nous la devons à la jeunesse, à toutes les jeunesses, qui veulent avoir foi en leur avenir, et donc qui veulent savoir d’où elles viennent».

Ce dimanche, pour la première fois, à la parole viendra s’ajouter le geste, traduction concrète de l’hommage de la France aux victimes et de la reconnaissance des souffrances infligées.

Question– Les débats sur les questions algériennes en France suscitent encore des passions qu’on croyait dépassées avec le temps, mais aussi des attitudes courageuses à l’image du Conseil de Paris qui vient d’appeler à la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945, “pour que cesse l’oubli”. Quelles sont concrètement les décisions qui, selon vous, doivent être prises pour dépasser les questions mémorielles ?

Réponse– A mon avis, il ne s’agit pas de « dépasser les questions mémorielles ». Il s’agit plutôt de mieux vivre ensemble avec notre histoire qui, quoi qu’on fasse, nous est pour une bonne part commune. L’histoire partagée entre la France et l’Algérie ne s’est pas écrite qu’entre 1954 et 1962.

Elle s’est écrite aussi sur les champs de bataille de la Grande Guerre et dans les rangs de la France Libre. Il s’agit aussi, je le crois sincèrement, de faire en sorte que, sans rien oublier des victimes, des drames qui nous ont opposés, sans renoncer à aucun moment à honorer leur mémoire, nous sachions aussi voir ce qui nous rassemble, ce que nous partageons et qui peut nous aider à avancer.

C’est comme cela que j’interprète les déclarations du président Bouteflika, le 8 mai 2012 à Sétif, quand il a appelé à une « lecture objective de l’histoire, loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels » afin d’ « aider les deux parties à transcender les séquelles du passé douloureux pour aller vers un avenir où puisse régner confiance, compréhension, respect mutuel et partenariat bénéfique ».

C’est cet esprit qui préside aujourd’hui aux relations entre la France et l’Algérie, et cela passe selon nous par des gestes forts et concrets, comme cet hommage que je rendrai à Saal Bouzid mais aussi aux combattants algériens, qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, se sont engagés dans le combat contre le nazisme, en remettant à six d’entre eux la plus haute décoration française, la Légion d’honneur. Notre histoire est multiple et complexe. Elle ne se limite pas à nos affrontements. C’est ce qui la rend parfois difficile à comprendre mais c’est aussi ce qui en fait toute la richesse.

Question– La « loi Morin » relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français demeure de portée limitée au regard de son champ d’application et ne répond pas aux droits des populations sahariennes victimes de ces essais.  Le Président Hollande avait déclaré que la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, conduits notamment dans le Sahara, « doit être appliquée pleinement ». Trois ans après, la situation n’a guère changé, avec la montée en puissance d’associations de victimes algériennes et françaises qui exigent que ce dossier soit réétudié. Est-ce qu’on peut s’attendre à du nouveau dans cette question épineuse ?

Réponse– Comme l’a dit le président de la République en décembre 2012, les conséquences de ces essais nucléaires sont pleinement assumées et prises en compte par l’Etat français qui agit en toute transparence. Le ministère de la Défense, en lien avec le ministère des Affaires étrangères, met tout en œuvre pour que les victimes ou leurs ayants droit puissent faire valoir tous leurs droits en la matière, conformément au dispositif de reconnaissance et d’indemnisation mis en place par la loi du 5 janvier 2010.

Ce dispositif examine notamment les demandes d’indemnisation présentées par les ressortissants algériens selon les trois critères de l’espace, du temps et de l’existence de l’une des maladies considérées comme potentiellement radio-induites. Il n’établit bien entendu aucune discrimination entre demandeurs français ou algériens. Il existe d’ailleurs déjà, sur place, à Alger, une structure rattachée à notre Ambassade qui est à même de renseigner les demandeurs et de les aider dans la constitution de leur dossier : il s’agit du service chargé des  anciens combattants situé dans le quartier du Telemly à Alger.

Nous dialoguons régulièrement avec les autorités algériennes sur ce sujet afin notamment de permettre une meilleure information du public algérien et de faciliter la présentation de dossiers par les victimes algériennes ou leurs ayants droit. A ce stade, seuls quelques dizaines de dossiers ont été déposés par des ressortissants algériens. Il y a des discussions entre autorités françaises et algériennes sur la manière de faciliter les formalités pour les demandeurs algériens qui ne se seraient pas encore manifestés, étant naturellement entendu que la loi française s’applique à eux sans aucune discrimination.

J’ajoute que depuis septembre 2014, le Comité d’Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires, chargé de se prononcer sur les demandes d’indemnisation, est devenu une Autorité Administrative indépendante. Cela garantit auprès des demandeurs, français ou algériens, l’impartialité avec laquelle seront étudiés leurs dossiers.

Enfin, les deux gouvernements sont convenus depuis décembre 2014 de mettre en place  une structure mixte permettant de réfléchir à la façon de faciliter le dépôt des demandes d’indemnisation par les éventuelles victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara. La première réunion de ce dispositif interviendra très prochainement et en tous cas avant la fin 2015.

 

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